
DINS LA CALANCO
Auguste MARIN
Aro que l’obro es acabado,
S’ai fa moun travai dignamen,
Coumo à la fin d’uno journado
Mi repausarai un moument.
E dins lou founs de la calanco
M’assetarai pèr pantaia.
– Davans ièu la Mar sèmblo blanco,
Tant lou soulèu a dardaia.
Au luen leis isclo de Marsiho
S’aubouron dins lou ciele clar ;
E lou soulèu que lei grasiho
Fugis eila, vers lou grand Larg.
Sus l’aigo que mounto e davalo
Uno velo varaio, e zóu !
Dirias un gabian que soun alo
Sarié bagnado e qu’aurié póu.
Sèmblo qu’au ciele uno flamado
Saludo lou jour que s’en vai.
Es ansin que la renoumado
Clavara ma vido bessai.
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Ah ! lou repaus, quand l’obro es facho,
Coumo douno de bèu pantai !
Deman, d’abord qu’aven fa pacho,
Deman reprendren lou travai.
– Veici la fin de la vesprado :
Voueli jouï dóu calabrun.
Venès, venès, lei cambarado !
Sàbi de cansoun dóu gros grun.
Vous dirai plus, triste barjaire,
Mei plagnun, mei segren d’amour :
Dins moun couer si soun ana jaire ;
Aqui dèvon dourmi toujour.
Ai tròup ploura dins ma jouinesso,
Iéu que cresès encaro enfant,
Pèr vous parla de la mestresso
Que vendra plus, qu’aimavi tant !
Ai tròup cerca l’amour dei fremo
Mounte èro pas, dins moun amour !
Mai ce qu’ai begu de lagremo
A garda ma jouinesso en flour.
O moun passat ! que sa memòri
S’escounde dins moun souveni !
Degun la saupra, l’umble istòri :
– Mi siéu vira vers l’aveni.
Venès, venès, mei cambarado !
Oublidi tout quand siéu en trin !
Se puèi ma cansoun vous agrado,
Cantarés ensèn lou refrin.
Veirés que sian de bouénei-voio,
E qu’aven begu d’aigo-sau...
Garden-lou que pèr nouesto joio,
Lou galant parla prouvençau.
Garden-lou pèr canta Marsiho,
Qu’es la reino dóu terradou ;
Si faren escouta dei fiho,
Dei mascle, dei travaiadou.
E nàutrei que sian lei bevèire
Qu’an set de glòri, set d’amour,
O Prouvènço, vaqui moun vèire :
Lou bèurai pui qu’en toun óunour !
Aguste MARIN
Maintenant que le travail est terminé,
Si j’ai fait mon travail dignement
Comme à la fin d’une journée
Je me reposerai un moment.
Et dans le fond de la calanque
Je m’assiérai pour rêver.
– Devant moi la Mer semble blanche,
Tant le soleil a rayonné.
Au loin les îles de Marseille
S’élèvent dans le ciel clair ;
Et le soleil qui les grille
Fuit là-bas vers le grand large.
Sur l’eau qui monte et descend
Une voile chancelle, et hop !
On dirait un goéland dont l’aile
Serait baignée et qui aurait peur.
Il semble qu’au ciel une flamme
Salue le jour qui s’en va.
C’est ainsi que la renommée
Achèvera peut-être à ma vie.
Ah ! le repos, quand l’œuvre est accomplie,
Combien donne-t-il de beaux rêves !
Demain, puisque nous l’avons promis,
Demain nous reprendrons le travail.
– Voici la fin de la soirée :
Je veux jouir du crépuscule.
Venez, venez, les camarades
Je connais des chansons de premier plan.
Je ne vous dirai plus, triste bavard,
Mes plaintes, mes chagrins d’amour :
Dans mon cœur sont allés se coucher ;
Là, ils doivent ne jamais se réveiller.
J’ai trop pleuré dans ma jeunesse,
Moi que vous croyez encore enfant,
Pour vous parler de la maîtresse
Qui ne viendra plus, que j’aimais tant !
J’ai trop cherché l’amour des femmes
Où il n’était pas, dans mon amour !
Mais ce que j’ai bu de larmes
A gardé ma jeunesse en fleur.
Ô mon passé ! que sa mémoire
Se cache dans mon souvenir !
Personne ne la connaîtra, l’humble histoire :
– Je me suis tourné vers l’avenir.
Venez, venez, mes camarades !
J’oublie tout quand je suis en action !
Et si ma chanson vous plaît,
Vous chanterez ensemble le refrain.
Vous verrez que nous sommes de bonne humeur,
Et que nous en avons bu de l’eau salée…
Gardons-le que pour notre joie,
Le beau parler provençal.
Gardons-le pour chanter Marseille,
Qui est la reine du terroir ;
Nous nous ferons entendre des filles,
Des garçons, des travailleurs.
Et nous que sommes les buveurs
Qui ont soif de gloire, soif d’amour,
Ô Provence, voilà mon verre :
Ensuite je le boirai qu’en ton honneur !
Auguste MARIN